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L’APRÈS-DÎNÉE À ORNANS : UN CHEF-D'œUVRE RÉVÉLÉ

Récit d'une opération hors norme

L’Après-dînée à Ornans de Gustave Courbet (1819-1877) n’avait pas été restauré depuis de très nombreuses années. La dernière intervention importante remontait probablement avant les années 1970. Au fil du temps, la lecture de l'œuvre est devenue de plus en plus difficile. Aussi, les objectifs de l’opération conduite en 2024 étaient doubles : assurer la bonne conservation du tableau et améliorer son appréciation esthétique.

L'œuvre restaurée, avant restauration, et la radiographie du tableau.

SON HISTOIRE

Longtemps dépôt de l’Etat, propriété de la ville de Lille depuis 2006, L’après-dînée à Ornans a été peint par Gustave Courbet au cours de l’hiver 1848-1849. Commencé à Ornans, il a ensuite été démonté de son
châssis pour être roulé et transporté dans l’atelier parisien du peintre.
Le sujet de ce tableau de grandes dimensions, format réservé à cette époque à la peinture d’histoire, est fondamentalement novateur. Courbet bouscule les codes de la peinture académique et la prévalence au
Salons officiels des sujets d’histoire. Le tableau évoquant une scène anodine de la vie quotidienne rurale est considéré comme le manifeste du réalisme.
Dans la notice explicative que Courbet intègre au livret du salon de 1849, il écrit :

Une après dîner à Ornans. C’était au mois de novembre, nous étions chez notre ami Cuenot ; Marlet revenait de la chasse et nous avions engagé Promayet à jouer du violon devant mon père.

Courbet soumet son tableau au jury du Salon vers le mois d’avril 1849, il obtient une seconde médaille d’or, inespérée !
L’Après-dînée est acquis par la direction des Beaux-Arts pour la somme de 1 500 francs et le tableau est déposé au Palais des Beaux-Arts de Lille.

Le tableau semblait s’assombrir avec le temps, la couche picturale et le support toile apparaissaient fragiles. N’ayant pas fait l’objet de restauration récente, le musée a souhaité faire étudier ce tableau majeur de
l’histoire de l’art afin de bien évaluer son état avant de s’engager dans une restauration. La constitution d’un dossier d’imagerie scientifique par le C2RMF : radiographie d’ensemble, réflectographie infrarouge,
fluorescence X confirmant la nécessité d’une restauration.

SA RESTAURATION

L’étude du tableau, amorcée avant la restauration, s’est poursuivie tout au long de celle-ci dans les ateliers du C2RMF. Cela a permis de mieux comprendre son processus de création. Vraisemblablement pour des questions financières, Courbet a réalisé son support en cousant pas moins de 7 morceaux de toiles. Il a ensuite appliqué une couche de préparation sombre à base de terres. Enfin, il a peint sa composition qu’il a changée à plusieurs reprises en cours de réalisation : le chien a été déplacé et la position de tous les personnages a été changée. Courbet, qui préparait rarement ses compositions par des dessins, est coutumier de tels changements.

Quelles ont été les étapes de la restauration ? Dans un premier temps, la peinture a été nettoyée. Les restauratrices ont retiré les vernis de restauration devenus jaunes. Elles ont aussi enlevé d’anciens repeints débordants faits pour masquer des altérations. Cette opération, irréversible, a été menée très progressivement. Elle a permis de révéler la subtilité des couleurs rehaussant une palette assez restreinte : le pantalon bleu nuit du violoniste ou encore les accents lumineux de la vaisselle. La toile a ensuite été déposée du châssis pour consolider les bords et accidents.

Elle a ensuite été montée sur un nouveau châssis permettant un réglage fin de la tension. Enfin, les restauratrices ont procédé à la retouche. Il s’agit de combler les manques de la peinture et d’atténuer les abrasions de surface pour permettre de restituer les motifs. Un vernis est appliqué pour protéger la peinture et saturer les couleurs.

Vous pouvez de nouveau le contempler à l'étage, dans la Salle 09 : "Courbet et le Réalisme".

 

LES ÉQUIPES

Au Palais des Beaux-Arts de Lille : Delphine Rousseau, conservatrice du patrimoine / Alice Fleury, Directrice des collections.
Au C2RMF (Centre de recherche et de restauration des musées de France) : Oriane Lavit (pilote du projet, département Restauration), Bruno Mottin (pilote du projet, département Recherche), Xueshi Bai, Laurence Clivet, Éric Laval, Johanna Salvant.
Les restauratrices : Antonella Trovisi, restauratrice et mandataire et ses collègues